Claude Garache
« Le corps féminin, encore et toujours. Et pour en restituer la présence dans l’espace, en restituer les volumes, les ombres et lumières, le mouvement, une seule couleur, mais travaillée dans d’infinies variations : le rouge, de l’orange pâle à l’écarlate profond. Claude Garache, 81 ans, a derrière lui un parcours marqué par un attachement indéfectible à un propos et à une forme qui traversent, sur la toile ou le papier, les trois dernières décennies.Artiste lui aussi hanté, un temps, par le torse et le corps, Raoul Ubac fut séduit, à l’orée des années soixante-dix, par cette peinture dont il observait qu’elle était « animée d’un étrange pouvoir, travaillant par poussées successives à la reconstitution lente et progressive d’un corps unique ». D’autres encore, d’horizons divers, lui prêtèrent leur plume inspirée : le médiéviste Georges Duby, l’historien des idées Jean Starobinski, le critique d’art et poète Yves Bonnefoy, l’écrivaine Anne de Staël – fille de… -, le poète et écrivain Alain Veinstein…
Ce » corps unique « , aux cadrages un peu rudes, coupant par-ci une tête, tranchant par-là des bras, pliant encore dos et ventres pour inscrire une densité du modèle dans la surface réduite de la toile ou de la feuille de papier, Claude Garache n’a cessé de s’y confronter dans une constance stylistique rare sur un aussi long parcours.
En rouge, donc, couleur dont il dit qu’elle est venue à lui très naturellement, en même temps que le thème du corps, mais aussi parfois en noir. Et à chaque fois la seule marge de manoeuvre susceptible de donner forme au sujet est ce rapport, subtil ou fiévreux, au blanc – auquel un autre ton peut, plus rarement, se substituer. Venu à la peinture par le biais de la sculpture, l’attachement à l’épaisseur du modèle, à sa réalité physique, traverse l’essentiel de sa production.
Le travail de Garache peut évidemment s’inscrire dans une tradition classique de la célébration sensuelle du corps féminin – dans l’omniprésence de l’abstraction qui sévissait dans ses jeunes années, c’était faire oeuvre de dissidence pour un jeune artiste que de s’accrocher délibérément et assez fidèlement à la figure humaine. C’est donc toujours » Face au modèle « , pour reprendre le titre de l’exposition que lui consacre Chantal Bamberger – une douzaine d’huiles sur toiles, plusieurs dessins et une sérigraphie conçue pour l’affiche de Roland-Garros en 1990 -, que l’artiste s’est situé.
Il n’en livre pas moins des vision où la sensualité du corps féminin est parfois bousculée par une brutalité de la pose, un rendu qui participe d’une esthétique fragile de l’empreinte, avec cette opposition de la transparence et de l’opacité. Garache ne court pas – toujours – après le beau. Il peut aussi prendre acte d’une crudité du corps, des plis d’un ventre, d’une contorsion disgracieuse, d’un basculement contraire à la plus élémentaire quête de l’harmonie. Certaines peintures semblent traversées par une fuite, une tension, un tragique dont le peintre ne ferait qu’enregistrer la sismographie sur la surface de la toile.
Dociles ou sauvages, statiques ou électriques, ces figures ont fait leurs entrées dans les plus prestigieuses collections, du Centre Pompidou au MoMA de New York, de la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence, du Fonds national d’art contemporain à l’Art Museum de Cincinnati. Pour fêter son cinquième anniversaire, Chantal Bamberger arbore sans nul doute la couleur de la passion. »
S.H, DNA
Expositions :
« Face au modèle » (05/06/2010 au 12/07/2010)
« face au modèle »