Jean Le Gac

Jean Le Gac

Oh, oui, j’ai bien des attaches en Alsace ! » Voix douce et sourire discret, Jean Le Gac évoque le temps d’Éric Linard, de son atelier-galerie à Hoenheim, de l’Espace Malraux de Colmar dont il inaugura en 1997 la politique d’exposition, ou de la foire d’art contemporain de Strasbourg à laquelle il participa en 2007, le stand de la galerie Salvador lui consacrant un beau one-man show. Et puis comment ne pas évoquer encore cette grande verrière de la gare de Colmar, réalisée en 1991 ? La proposition artistique, au graphisme affirmé, s’y doublait d’un exploit technique réalisé par la société Saint-Gobain en collaboration avec Éric Linard – les sérigraphies devaient être insérées entre deux plaques de verre absolument hermétiques à l’air.
Avec la galerie Chantal Bamberger, Jean Le Gac ajoute un nouveau point d’ancrage en Alsace. L’occasion lui est donnée d’y déployer ses fictions qu’un Harald Szeemann, à la Documenta V, appelait des « mythologies individuelles ». Ainsi chemine-t-il, dans ce courant d’un narrative art où il aurait comme lointains camarades Christian Boltanski, Annette Messager ou Sophie Calle. « Je ne fais pas une peinture muette », reconnaît-il. En témoignent ces inscriptions énigmatiques ou encore, placés à côté de ses tableaux, ces textes encadrés rédigés en plusieurs langues. Un imaginaire se compose ainsi peu à peu. Une mémoire qui surgirait à la surface d’un hypothétique vécu, et dont la lecture apparaît étrangement codée. Jean Le Gac s’inspire des messages mystérieux de Radio-Londres durant la guerre : « Ces phrases courtes qui n’avaient aucun sens apparent. Et pourtant, pour qui savait les déchiffrer, elle portait un message extrêmement important. »
C’est que le plasticien-conteur nourrit son travail d’un puissant rapport au passé – celui dans lequel extraire d’intimes histoires. Faut-il dès lors s’étonner de la tonalité mélancolique de ses pastels, sa technique de prédilection, dont il adore le caractère mat, par opposition à la transparence de l’huile et de ses glacis ? Quand il n’utilise pas des tentes militaires ou des couvertures en feutre pour y raconter des histoires d’archéologues ou d’aventuriers que chacun interprétera à sa façon, « selon son propre bagage ». S’y ajoute ce travail du dessin et de sa reproduction “en peinture” dont il souligne le savoir-faire antédiluvien en ponctuant l’original des cotes, garde-fou chiffré nécessaire à un transfert rigoureux sur un autre support.
Un univers un peu désuet se manifeste ainsi, que jalonnent des objets – un chapeau de paille, un Borsalino, des jumelles, la boîte d’aquarelles de l’artiste, celle de ses bâtonnets de pastel… Et puis aussi cette curieuse passerelle des Buttes-Chaumont qui réapparaît avec une certaine régularité, d’un tableau à l’autre. « Une invitation au voyage, à passer de l’autre côté du miroir, sans se bercer vraiment d’illusions puisque tout est faux aux Buttes-Chaumont… », ironise-t-il. « La passerelle adopte des allures de construction en bois, comme on en verrait dans la jungle, alors qu’elle est en ciment. »
Un de ses messages affirme « prends le 26, l’entrée de tous les récits est aux Buttes-Chaumont ». Rien qu’un prétexte à raconter des histoires, à leur donner une forme, à s’en émerveiller peut-être, mais sans nécessairement y croire. Une «narration simulation» qui va jusqu’à inventer un vrai-faux musée Le Gac, avec billetterie ad hoc.
« Déclencher l’opération contre l’obésité de l’art » est-il également affirmé dans un autre message. Face à une tendance certaine à la surcharge et au kitsch ambiant, Jean Le Gac fait entendre sa voix. Fragile, antidatée, sereine. Et d’une authentique poésie.”

Expositions :
« Messages » (16/10/2010 au 20/11/2010)

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