Comme de longs échos Véronique SABLERY
19/10/2019 au 23/11/2019
"La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité,vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent....
Charles Baudelaire. Correspondances ( extrait ).
Comme de longs échos qui de loin se confondent....
La phrase provient du poème de Charles Baudelaire
Ce sonnet extrait des Fleurs du mal, nous offre une vision métaphorique de la nature mettant en évidence les liens que l’homme entretient avec elle, dans une union où se côtoie une part de mystère et de sacré indéfectiblement liés. «Comme de longs échos» est le titre de l’exposition que je présente à la Galerie Chantal Bamberger à Strasbourg.
Les mues de cerf et de serpent, les ailes d’oiseaux et les différents éléments provenant de la nature et présents dans les travaux réalisés, sont autant d’indices qui, sortis de leur contexte, montrent des traces visibles d’une vie qui se passe ailleurs. L’ailleurs immatériel et indicible que nous avons la faculté d’inventer, l’ailleurs aussi, concret celui-là, qui se déroule tout prêt de nous: celui de la vie animale ou végétale qui nous environne et dont nous captons les mystères, émerveillés que nous sommes par leur inaccessible proximité.
Dans les métamorphoses d’Ovide les mortels et les dieux se côtoient et s’affrontent. Cela engendre des changements de nature où le même individu se transforme successivement en animal ou en végétal pour reprendre ensuite son aspect humain.
En associant des fragments de nature animale à certains éléments de notre visage, la bouche, un œil, c’est notre part humaine que j’interroge. C’est un écho au langage secret qui s’élabore, lorsqu’on y est attentif, entre le sauvage et le culturel, l’inné et l’acquis.
Les frontières mouvantes qui nous lient à la nature sont dans l’histoire de l’art une part importante de la quête des artistes et nombre d’entre nous s’en sont approchés en observateurs attentifs et actifs.
Je fais partie de ceux-là.
Le monde sauvage me fascine pour son insaisissable et pour cette part de nous même qui nous échappe ou que nous avons perdue.
La nature est un temple dit le poète, et nous aimons nous y retrouver.
Les bouches que je photographie, ou les yeux, ouverts ou fermés, dont je saisis le regard ou au contraire son absence quand il est masqué par la paupière close, nous le disent aussi dans un langage muet. Les ailes d’oiseaux ou les plumes que j’y associe sont comme de longs échos qui résonnent en nous pour crier cette unité perdue, ténébreuse et profonde/ vaste comme la nuit et comme la clarté....
L’artiste est un observateur du monde qui fabrique des images, le mot image ayant pour racine latine imago qui signifie reflet. L’image est une représentation concrète ou symbolique du réel inventée par l’homme pour imiter la réalité.
Imago est aussi le nom que l’on donne au papillon après son ultime métamorphose une fois sorti de la nymphe, chrysalide d’où il a émergé.
Le mot nymphe nous rappelle à nouveau les Métamorphoses d’Ovide où la nymphe Écho, fille de l’air et de la terre, tombe amoureuse d’un beau jeune homme nommé Narcisse qui méprisera l’amour d’Écho pour s’abîmer dans la contemplation de son propre reflet. Narcisse mourra de ce face à face mortifère laissant place à la fleur du même nom.
Comme de longs échos qui de loin se confondent les photographies et les dessins réunis pour cette exposition sont un témoignage de notre lien intime à la nature, protéiforme et secrète, que nous interrogeons dans un échange sans cesse renouvelé.
Véronique Sablery Septembre 2019